Lettre ouverte à Emmanuel Macron

Monsieur,

C’est à la personne que s’adresse cette lettre et non à la fonction. Il ne vous échappe pas qu’un climat de défiance est en train de s’établir entre une part grandissante du peuple français et vous-même.

La défiance, c’est bien ce qui caractérise le mieux l’état d’esprit qui règne dans notre pays.

La défiance naît du manque de respect. Par exemple, dans le monde du travail les employeurs qui ne considèrent pas leurs employés comme des collaborateurs mais comme de simples forces de production font face à la défiance des employés. De même, les employés qui considèrent leurs employeurs comme étant des exploiteurs font face à la défiance de leurs employeurs.

Il en va de même souvent dans beaucoup de relations telles que celles qui lient les bailleurs à leurs locataires, les justiciables aux forces de police, les patients au corps médical.

Par le biais d’un certain nombre de saillies vous avez fait montre d’un manque évident de respect au peuple français, en effet entre les « gens qui ne sont rien », les « fainéants », les « cyniques » et les « extrémistes » on pourrait y opposer celui qui a été « coopté », l’ « arriviste », le « pédant » et le « bonapartiste » et là aussi on y trouverait une forme d’irrespect.

Il faut que vous sachiez, qu’à l’heure actuelle, s’il y a 10% de chômage, cela veut dire qu’il y a 90% d’actifs qui travaillent ! Que ces travailleurs n’ont pas forcement la chance d’avoir un poste qui correspond à leur vocation, si simples ou complexes soient-elles, parce que ces emplois là se font de plus en plus rares à cause de la robotisation et des délocalisations d’emplois y compris qualifiés qui permettent à nombre d’entreprises de réaliser des économies substantielles (on fait de la recherche et développement en Inde, du tournage fraisage en Chine, du développement informatique en Ukraine ou au Vietnam, du tissage en Tunisie, etc) en exploitant simplement des forces vives plus pauvres. Pour ces entreprises, peut-on dire que leurs dirigeants font preuve de solidarité nationale ?

Mais pour que la machine économique puisse tourner, il faut des consommateurs. Pour ces derniers, en grande partie, il s’agit « d’augmenter leur pouvoir d’achat » en cherchant à réduire le chômage et l’assistanat. Pour ce faire il s’agit bien souvent de leur proposer de la précarité au gré des opportunités des entreprises. Dans cette optique on facilite les procédures de licenciement, on maximise le recours aux contrats à durée déterminée (sans parler des contrats de chantier) on favorise l’« uberisation » du travail grâce à l’auto entrepreneuriat, le tout enrobé du terme particulièrement mal choisi de « flexibilisation du travail ». Comment penser qu’on puisse offrir une perspective d’évolution de carrière quand on sait que bien souvent les expériences sont réduites à néant dès lors que pour chaque contrat on est susceptible de redevenir un débutant ?

Bien sûr, on rétorquera que pour faire une belle carrière il faut avoir fait des études. Certes ! Mais ce n’est pas si simple. Nous sommes tous différents physiquement, il n’est pas difficile de comprendre que nos intellects sont aussi différents non pas dans une relation d’ordre mais dans une relation d’équivalence. D’autre part, ce n’est pas parce qu’on est cultivé qu’on est plus intelligent que les autres. Nous sommes tous intelligents et nous avons tous droit au même respect, mais nous avons chacun nos parcours avec des embûches et des succès qui apparaissent à des moments différents d’un individu à l’autre.

C’est ainsi, qu’il se trouve des « gens », parce qu’ils sont blessés, parce qu’ils ont été déconsidérés à l’école, parce qu’ils ont dû faire face à des événements tragiques, parce qu’ils n’ont jamais retrouvé un travail qui puisse leur correspondre. A ceux-là l’État fait preuve de solidarité en les abondant d’aides publiques. Sont-ils plus paresseux pour autant ? Ce n’est ni facile et ni confortable de vivre avec moins de six cents euros par mois et bien souvent dans la rue, ce n’est pas un choix de vie.

Vous êtes à même de comprendre le fond de cette lettre. Il n’y a que le respect mutuel qui puisse garantir une société solidaire, la solidarité doit être à tous les niveaux :

– L’éducation en comprenant nos différences sans jugement de valeur tout en pointant les dangers du dogmatisme, des religions et des communautarismes érigés en règle de vie, en facilitant l’accès à la culture et en appréhendant les défis environnementaux.

– Le logement en bannissant la spéculation immobilière qui empêche les « gens » d’être logés avec dignité.

– Le travail, à savoir qu’une entreprise n’est rien sans ses marchés, ses stratèges et ses employés si modestes soient-ils.

– Le partage (financier, expérience), en offrant à chacun la perspective de pouvoir accomplir ses objectifs de vie.

– La santé en continuant de garantir à tous l’accès aux soins avec une démarche réellement scientifique dans l’acceptation, la recherche et le développement de nouveaux actes et traitements.

Une société plus heureuse où la défiance sera marginale grâce à ce respect mutuel. C’est dans cet esprit que la société française a été refondée à la sortie de la seconde guerre mondiale et aussi suite à l’horrible expérience du régime technocratique dit de Vichy. En quoi l’état du monde actuel peut-il justifier l’abandon de ces fondations ? Le monde change, soit, mais l’humain reste l’humain et ça, on le sait grâce à la littérature. Il y aura toujours des crises, des guerres et des catastrophes et personne ne peut prétendre connaître le futur ; alors, sachons gérer, pour le bien du plus grand nombre, le présent, héritier légitime de notre passé démocratique afin de se préserver au mieux de risques totalitaires qui sont aussi bien présents.

C’est pourquoi, je vous demande, Monsieur, de faire part de vos excuses pour les propos irrespectueux que vous avez adressés aux citoyens français et d’autre part de renégocier au mieux pour le peuple français les ordonnances relatives au code du travail qui actuellement ne vont pas dans le sens du respect mutuel.

Ainsi, avec certitude vous grandirez la fonction de Président de la République Française élu au suffrage universel.

Veuillez recevoir, Monsieur, l’expression de mes salutations respectueuses.

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