Mais où est passé l’emploi fictif présumé de la femme de Bruno Le Maire ?

En octobre 2013, Mediapart révélait que Pauline Le Maire, artiste-peintre, avait été employée comme assistante parlementaire par son mari Bruno ainsi que par son suppléant Guy Lefrand sur une période portant de 2007 à 2013. Mme Le Maire était rémunérée à temps plein par l’Assemblée Nationale pour un salaire compris entre 2700€ et 3200€. En décembre 2008 elle a même touché plus de 4600€ net, 13ème mois oblige ! (1)
Or jamais le ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron n’a pu apporter la preuve du travail de sa femme et à l’instar de Penelope Fillon elle n’a jamais mentionné nulle part ses activités d’assistante parlementaire. Tout comme l’épouse du candidat LR à la présidentielle 2017 elle n’hésitait pas à faire état de son rôle de mère mais n’évoquait jamais son métier à plein temps, dont elle tirait un salaire « non négligeable ». Mieux encore, Mediapart s’appuie sur un discours prononcé en décembre 2012 par son mari lors d’un colloque de l’association Femmes & Pouvoirs où il décrit le quotidien difficile d’une mère au foyer et le fait qu’une fois tous les quinze jours il prend sa place pour s’occuper de leurs quatre enfants.

Selon l’entourage de Bruno Le Maire elle s’occupait du site internet du député, travaillant depuis son domicile et rédigeant des articles de blog. Une information quasi invérifiable et dont la rémunération pose inévitablement question. Mais c’est en 2009 que l’affaire devient particulièrement intéressante. En effet Bruno Le Maire est nommé ministre de l’Agriculture, poste qu’il occupera jusqu’en 2012, et c’est son suppléant qui prend sa place dans l’hémicycle. Or Guy Lefrand, interrogé par Mediapart, n’évoquera jamais de mission web mais plutôt un travail de préparation d’interview. De plus il affirme qu’elle travaillait à l’Assemblée Nationale dans son bureau « aux heures où elle était disponible », étonnant quand on sait que son contrat portait sur une durée hebdomadaire de 37 heures. En bref, deux versions totalement incohérentes et contradictoires.
Après son congé maternité (de 2011 à juin 2012) elle sera de nouveau employée par son mari, redevenu député, jusqu’à l’été 2013. Bruno Le Maire ayant pris soin de résilier son contrat à peine 1 mois avant le vote de la loi sur la transparence de la vie publique (2) (adoptée le 17 septembre 2013, promulguée le 11 octobre), qui acte la création d’un registre des assistants parlementaires ! Et oui, avant cela il était impossible de connaitre la liste des collaborateurs de nos « chers » députés alors même qu’ils sont rémunérés par l’État et donc par le contribuable.
C’est dans ce même esprit de transparence, suite à l’affaire Cahuzac, qu’est créé le Parquet national financier (PNF) en décembre 2013. Le procureur de la République prendra ses fonctions début mars 2014, soit six mois après les révélations de Mediapart. Mais l’affaire est déjà oubliée et le PNF n’ouvrira même pas une enquête préliminaire. Certains « grands médias » reprendront timidement ces informations mais ne chercheront pas à en rajouter, au contraire de ce que l’on a pu voir lors du « Penelope gate ». Plus ministre, pas encore candidat à la primaire de la droite et du centre, simple figure de l’opposition, Bruno Le Maire n’était peut-être pas assez « bankable » à cette époque.

Mais quid d’aujourd’hui me direz-vous ! Dire que la situation du principal intéressé a évolué est un euphémisme, il occupe désormais le prestigieux ministère de l’Économie et des Finances à Bercy, rouage essentiel du système Macron. Alors après les différents scandales d’emplois familiaux présumés fictifs qui ont secoué la vie politique ces derniers mois, comment se fait-il que Bruno Le Maire soit encore épargné par cette « chasse aux sorcières » ? François Fillon a été détruit médiatiquement pour des faits similaires connus de tous, Bruno Le Roux a démissionné du ministère de l’Intérieur et renoncé à briguer un nouveau mandat de député suite aux révélations de Quotidien sur les 24 CDD signés à ses filles, alors lycéennes (3). En juin dernier c’est au tour de François Bayrou, alors Garde des Sceaux, d’être exclu de la scène politique nationale, emporté par le scandale des emplois fictifs du MoDem. Enfin très récemment le sénateur Michel Mercier a dû tirer un trait sur son siège au conseil constitutionnel, soupçonné lui aussi d’avoir employé une de ses filles de manière fictive (4). Ces différentes affaires ont d’ailleurs précipité l’interdiction des emplois familiaux pour les parlementaires, adoptée au cœur de l’été (5).
Néanmoins tout peut aller très vite. On se souvient par exemple que les faits visant le MoDem, connus depuis 2014 et les révélations de Corinne Lepage (6), ont seulement pris de l’ampleur après les législatives et la large victoire d’En Marche ! D’aucuns pensaient que ce serait aussi le cas pour Bruno Le Maire, pourtant il n’en a rien été et les différentes tentatives de relancer le scandale ont fait « pschitt ». Qui cherche donc à protéger le ministre de l’économie et pourquoi ? Une question pour l’instant sans réponse dans une affaire qui, espérons le, est loin d’avoir connu son épilogue.

Références :
1. Article de Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/061013/lemploi-flou-de-lepouse-de-bruno-le-maire?onglet=full
2. Loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028056315&dateTexte=&categorieLien=id
3. Bruno Le Roux renonce à briguer un nouveau mandat : http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/10/legislatives-2017-bruno-le-roux-renonce-apres-laffaire-de-lem_a_22078978/
4. Michel Mercier renonce au conseil constitutionnel : https://www.mediapart.fr/journal/france/080817/michel-mercier-renonce-au-conseil-constitutionnel?onglet=full
5. Loi organique pour la confiance dans la vie politique (texte adopté) : http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta/ta0018.asp
6. Corinne Lepage confirme ses accusations de 2014 : http://www.lopinion.fr/video/polemique/en-2014-corinne-lepage-mettait-deja-en-doute-probite-marielle-sarnez-127819

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