Société vs Moi : Qui est le plus malade ?

Crise, austérité, chômage, violences, viols des ours blancs et autres éléments joyeux. Voilà le triste climat dans lequel est vouée à évoluer la population contemporaine. Et moi dans tout ça ? Où est ma place ? Quel rôle ai-je à jouer ? Je ne le sais pas et cette indécision ne favorise pas mon bien-être. En toute sincérité je me demande si c’est moi ou cette fameuse société qui a un putain de problème. Retour sur les turpitudes d’un handicapé du monde contemporain.

« Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » « Clown ». Les choses sont simples à 3 ans. Tu aimes le cirque et admires les clowns. Pourquoi voudrais-tu faire autre chose ? Parce que ce n’est pas un métier d’avenir, qu’il ne résulte pas d’un parcours sciences po, que ce n’est pas stable, non sédentaire et donc peu apte à la vie de famille à moins de sortir avec une contorsionniste… Tout ça à 3 ans a autant d’importance à tes yeux que les élections cantonales de 1992 (pourtant très marquantes dans la vie politique française).

Oui mais après ? Tu as des facilités, tout le monde est fier de toi, quel beau bulletin ! Allons dans leur sens, je serai vétérinaire ou prof d’histoire. Collège, lycée puis faculté. Aucun nuage à l’horizon, licence d’histoire en poche, je me permets un aiguillage inattendu vers un master de communication. Parce que la com c’est hype, il faut se le dire.

Je termine ce cursus en fanfare, un an de stage aux Girondins de Bordeaux à écrire des résumés de matches sur le site officiel. Quel golden boy ce Thomas, vraiment rien ne lui résiste !

Bong ! L’heure a sonnée! Welcome to the real life ! Un an de surveillance dans un collège, puis la grosse claque… Arrivée en région parisienne et prise de poste comme responsable de rayon chez Deca*****. 70h de travail par semaine, la pression des chiffres, des savoir-être, le moule, les expressions toutes faites (« éclaire la cible à tes collaborateurs, sois proactif »), les chemises trop grandes de mon patron, son inhumanité, les vomissements le matin, ma démission… Là encore, tout avait pourtant bien commencé.

Allez ce n’est qu’un coup d’arrêt, je redeviens surveillant et je passe le concours de professeur des écoles (comme toute, j’ai bien dis toute, ma famille). Mais je divague, mes facilités légendaires n’y pourront rien cette fois. Le constat est implacable, toutes ces examens réussis sans réviser ne m’ont pas enseigné la rigueur du travail personnel. S’en suit alors une période de chômage difficile à vivre. Ma plus grande angoisse ? La question : « Et toi tu fais quoi dans la vie ? ». En toute honnêteté et sans pression sociale, j’aurais répondu : « Fumer des pétards et mater des pornos en attendant avec crainte le retour furieux de ma copine. ».

Pour fuir cette misère humaine et sociale, je décide de faire des concessions et me relance dans le commerce puisque c’est dans ce domaine que j’ai le plus de valeur. Surtout que je présente bien et que j’ai le sens du relationnel. Tu seras un bon commercial mon fils ! Me voilà donc à vendre des sites internet aux entreprises grâce à un scénario ponctué de mensonges et de manipulation d’esprit. Mes deux premiers mois sont fastes. 3e puis 2e du classement national en terme de chiffre d’affaire, pour un « rookie » c’est du jamais vu ! Voici venir le troisième mois, l’heure n’est plus à la fête, je craque… Le moule de valeurs dans lequel j’ai été élevé reprend le dessus. Je fais une croix sur mes potentiels 3000 euros de salaire et ma voiture de fonction. Courageux pour certains, hérétique pour les autres. Me revoilà au point de départ.

Je suis au fond du gouffre et je vois ma vie comme une vaste descente ponctuée de courts moments d’euphorie. C’est décidé, des facteurs simples orienteront mes choix professionnels. Je veux de l’utilité et du sens à mes actions. Au diable tous mes rêves de voyage, de maisons splendides et de représentations sociales accomplies. Je conspue cette société et son bonheur superficiel. Je ne serai pas de cette masse impersonnelle tournée uniquement vers des ambitions personnelles. Je serai éducateur spécialisé. Le chemin n’est donc pas terminé et il promet d’être pauvre pour encore un moment. Tant pis ! Je serai riche d’esprit et d’actions !

Il aurait pu être plus court et droit au but. Mais je crois qu’il m’est nécessaire de me confronter à ce qui ne me plaît pas pour mieux m’en échapper. Mon entourage n’a pas fini de se nourrir d’angoisses légitimes à mon égard. La faute à qui ? A mon idéalisme ou à la logique placide de cette société ?

Pour approfondir mon point de vue, une chanson écrite par Philippe Katerine et reprise par Les Betteraves :

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